Les bases neurobiologiques
La méditation a un effet sur le fonctionnement du cerveau.
Comparée à la relaxation, elle entraîne une activation cérébrale plus intense des aires paralimbiques, liées au système nerveux autonome, c’est-à-dire automatique et non volontaire, et à l’interoception, ou perception des sensations corporelles.
Comme l’a montré la psychiatre Katya Rubia, de l’Université de Londres, elle active aussi davantage les zones fronto-pariétales et fronto-limbiques, liées aux capacités attentionnelles.
La pratique de la pleine conscience entraîne, nous l’avons souligné, une amélioration de la modulation émotionnelle, dont on commence à cartographier les voies neurales : ainsi, après un entraînement de huit semaines, des personnes chez qui l’on suscite des émotions de tristesse présentent une plus faible activation des aires du langage (aires de Wernicke et de Broca) et une plus forte activité dans les zones associées à la sensibilité intéroceptive.
Cela signifie que l’impact de la tristesse est plus réduit, chez les méditants, par sa « digestion » à un niveau corporel, que par un traitement rationnel et verbal, comme cela se passe chez les non-méditants.
Les méditants acceptent plus ou moins consciemment d’éprouver physiquement la tristesse, sans chercher trop hâtivement à la « résoudre » mentalement (ce qui conduit parfois à des ruminations stériles).
Cette attitude ne peut se résumer à un simple détachement ni à un désengagement vis-à-vis des événements de vie tristes, puisque les deux groupes de personnes observées (méditants et non-méditants) obtiennent les mêmes scores en termes d’évaluation subjective de la tristesse éprouvée.
L’activité de certaines aires cérébrales est renforcée par la pratique de la méditation de pleine conscience : le cortex préfrontal gauche associé aux émotions positives ; le cortex cingulaire antérieur impliqué dans la perception des sensations corporelles, notamment de la douleur ; le cortex fronto-pariétal et l’insula, impliquée dans l’intéroception, ou perception des sensations internes. En revanche, l’activité des aires du langage (aire du Broca et aire de Wernicke) diminue.
La pratique méditative régulière induit également des modifications favorables de l’activité électrique du cerveau mesurée par électroencéphalographie : le neuroscientifique Antoine Lutz de l’Université de Madison a constaté une augmentation des rythmes gamma (associés aux processus attentionnels et conscients) dans le cortex préfrontal gauche, une zone associée aux émotions positives. On a montré de longue date que la résistance à la douleur est accrue chez les adeptes expérimentés de la méditation Zen (proche de la pleine conscience). Or, à l’Université de Montréal, le neuroscientifique Joshua Grant a récemment découvert que cette capacité est associée à un épaississement du cortex cingulaire antérieur et du cortex somatosensoriel, deux zones impliquées dans la perception de la douleur. Comment interpréter ces observations ? Il est possible que ces zones cérébrales se développent pour apprendre à « gérer » les positions légèrement douloureuses – sensations de crampes et inconfort – imposées par la pratique zen. Il s’agit ici d’une modification de l’anatomie cérébrale : c’est une des manifestations du phénomène de neuroplasticité, où l’entraînement de l’esprit cher aux bouddhistes (entraînement dont font partie la méditation et la psychothérapie) finit par modifier le cerveau, comme le font d’ailleurs tous les apprentissages. Méditer peut-il protéger contre les infections ? Aussi bizarre que cela puisse paraître, oui. Le psychologue Claude Berghmans a ainsi montré qu’après un programme d’entraînement de huit semaines, l’organisme produit davantage d’anticorps suite à une vaccination antigrippale. Cela peut s’expliquer par le fait que la méditation augmente l’activité du cortex préfrontal gauche, et qu’il existe un lien maintes fois constaté entre les émotions positives et les réactions immunitaires.
Bibliographie
L. Fehmi et J. Robbins, La Pleine conscience, Belfond, 2010. C. André, Les états d’âme, Un apprentissage de la sérénité, Odile Jacob, 2009. M. Williams et al. Méditer pour ne plus déprimer, Odile Jacob, (avec un CD d’exercices), 2009. J. Kabat-Zinn, Au cœur de la tourmente, la pleine conscience, De Boeck, 2009. T. Nhat Hanh, Le miracle de la pleine conscience, J’ai Lu, 2008. M. Ricard, L’art de la méditation, NiL, 2008. F. Rosenfeld, Méditer c’est se soigner, Les Arènes, 2007. Z. Segal et al, La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression, De Boeck, 2006.
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